Michel Chapoutier: "C’est aujourd’hui que le véritable potentiel de l’Australie va enfin pouvoir se révéler aux yeux du monde"

Michel Chapoutier: "C’est aujourd’hui que le véritable potentiel de l’Australie va enfin pouvoir se révéler aux yeux du monde"

Guillaume Jourdan

Les vendanges ont démarré dans le vignoble australien du Domaine Tournon. Les vins du domaine sont régulièrement cités parmi les meilleurs vins d’Australie avec tout récemment le Shiraz 2009 sélectionné par le magazine WineState dans les meilleurs vins de l’année 2012. Michel Chapoutier fait un point sur ce démarrage des vendanges et s’exprime sur la qualité et la notoriété des vins australiens. Vous pouvez suivre le Domaine Tournon sur Facebook et retrouver toutes les actualités de la Maison M.Chapoutier sur Facebook et sur Twitter.

Comment avez vous décidé d’aller en Australie?

Michel Chapoutier: »Quand j’ai choisi d’aller en Australie, à la fin des années 90, il y avait plusieurs raisons: l’attrait de l’Hémisphère sud bien sûr, les sélections massales pré-phylloxériques – certaines n’existant plus en Europe – et le fait que l’on trouve les plus vieilles géologies de la planète après l’Antarctique. Venant de France, il y avait aussi l’orientation plus qualitative que quantitative des metteurs en marché. Enfin, le choix de l’Australie qui a des différences avec les autres vignobles du nouveau monde qui sont très – voire trop – orientés œnologie et peu – ou pas – agronomie. C’est sans doute en Australie que les viticulturistes ont le plus de poids dans le nouveau monde et je trouve cela trés intéressant. »

Comment analysez vous la situation actuelle de l’Australie?</p>

M.Chapoutier: « Il y a eu l’intervention de l’état avec ses lois de défiscalisation pour pousser artificiellement le développement du vignoble. Il est important de noter que la surproduction australienne n’est pas la conséquence du libéralisme mais au contraire le résultat de l’ingérence de l’état dans l’économie. En France, durant les négociations des droits de plantation, on nous montrait l’exemple de l’Australie comme la « plaie du libéralisme », mais c’est complètement faux. L’Australie a du faire face à une marée de vins, issus de ces lois fiscales, que personne ne savait vendre et qu’aucun marché ne demandait. Donc toute l’énergie a été mise au profit de ce déstockage ce qui n’a pas été sans conséquence sur l’image des vins australiens en général. »

Comment voyez vous l’Australie dans les prochaines années?

M.Chapoutier: « Je suis convaincu que l’Australie a un trés bel avenir quand je vois aujourd’hui le travail important engagé par les vignerons qualitatifs australiens. Ils veulent que l’on reconsidère l’Australie pour ce qu’elle est vraiment avec ses vrais potentiels qualitatifs et non plus seulement pour l’image des grands destockeurs/marketeurs qui n’ont fait qu’éteindre les feux que les lois de défiscalisations avaient allumés. Bien sûr, on ne peut pas faire de reproches à ces grandes maisons avec d’énormes volumes : elle ont su faire face ! Mais les vignerons qualitatifs en Australie ont raison de se battre. Pourquoi? Parce que c’est aujourd’hui que le véritable potentiel de l’Australie va enfin pouvoir se révéler aux yeux du monde. »

Alors, ce début de vendanges?

M.Chapoutier: « Les contrôles de maturité effectués sur nos vignobles australiens nous ont permis de démarrer les vendanges sur les blancs des secteurs les plus précoces. Les précipitations extrêmement faibles de cette année – 400mm en 2012 – nous rappellent cette longue période de sécheresse de 8 ans que nous avons connue dans les années 2000. Une grande partie de ces précipitations ayant eu lieu au cours de l’hiver et tôt au printemps, nous avons commencé la saison avec des sols bien pourvus en eau et sous un climat frais. La croissance végétative a donc débuté dans d’excellentes conditions et ce n’est que fin décembre que les premières vagues de chaleur venant du centre de l’Australie sont arrivées. Dans ce contexte de sécheresse, les enherbements de céréales et légumineuses, mulchés au cours du printemps, ont restreint l’évaporation des réserves hydriques hivernales, décalant ainsi idéalement l’arrêt de croissance à la véraison. Cette situation permet à la vigne de se consacrer à présent pleinement à la maturation, aux dépens d’une prolongation de la pousse ou au contraire, de stress marqué. Les Pyrenées australiennes, coincées entre le désert et l’océan bénéficient de conditions exceptionnelles. Les journées parfois brûlantes laissent place à des nuits très fraiches. Ces amplitudes thermiques élevées – couramment 15 à 20°C – favorisent la finesse aromatique et une bonne maturation des polyphénols (anthocyanes et tanins). La faible pression cryptogamique de ce millésime associée aux conditions sèches nous permettent d’avoir une vendange aujourd’hui parfaitement saine avec des baies de très petites tailles et donc des vins 2013 où la densité et la salinité naturelles devraient être exacerbées. »

(Ecrire à info@vitabella.fr)